Photo : Croix du Nivelet. Crédit photo @M. Avenier, sur ce site. |
« Quel est l’effort qui est demandé ?
Faire du mieux que l’on peut, autant que l’on peut, et pas davantage. (…)
L’effort implique de lutter, d’affronter l’obstacle. Le seul moyen de diminuer
l’intensité de la lutte c’est d’accepter » (Daniel Roumanoff, Svami Prajnanpad, un maître contemporain, tome
2 p 73).
Partie 1. L’histoire :
la première fois que quelqu’un m’a dit
que je devais « porter ma croix »
Ou : comment j’en suis venue à me demander ce que c’est que « porter sa croix ».
C’était un après-midi cet hiver, quelques semaines avant Noel. Ma
copine Edelweis et moi étions parties recevoir le sacrement de réconciliation,
autrement dit, aller à confesse.
J’avais longtemps réfléchi avant de m’engager dans cette démarche, sous-pesé différents arguments qui pourraient faire le sujet d’un autre billet.
J’avais longtemps réfléchi avant de m’engager dans cette démarche, sous-pesé différents arguments qui pourraient faire le sujet d’un autre billet.
J’avais donc mon listing : une dizaine de feuilles, écrites à
la main, dans l’effort de discerner les manques
d’amour qui ont ponctué mes choix et non-choix au cours des ans. Dans le confessionnal,
le prêtre écoutait tout cela en souriant- les petites rides plissant ses yeux le
montraient, car je ne voyais que le haut de son visage durant la confession. Plein
de bonté, il souriait à mes péchés, dans une attitude très méditative.
Ouverture tolérante, pétrie de douceur. Il ne s’agissait pas de nier, de minimiser, de
s’écrier « mais non », mais
bien plutôt d’accepter ce qui est.
Son attitude de détachement m’a inspirée, sanctifiée. Parmi ce que
j’ai confessé, il y avait une habitude mentale répétitive du genre à vous
couper de Dieu. Je m’en voulais, mais par ailleurs, je l’entretenais. Hé bien,
dégonfler l’importance de ce péché, cette obsession indésirable, a tracé le
sillon pour lui permettre de s’éloigner de moi. L’habitude détestable s’est
estompée (c’est parce qu’elle a pris moins de champ dans mon espace mental que j’ai été
libérée - alors que je lui donnais toute sa place en y pensant, en priant pour parvenir au détachement. Cette parole du
moine : ces péchés sont pardonnés, allez
jeter le papier à la mer. « Va et ne pêche plus » : va).
Vers la fin de la confession, il y eu un moment de trouble (cela
nous amène au sujet du « chemin de croix »). Le moine demeurait dans
un silence pensif. Quelque chose coinçait, et je me demandais, avec une vraie angoisse,
lesquels de mes manques s’avéraient impardonnables aux yeux du Seigneur. Je ne
m’attendais pas au péché que débusqua par mon interlocuteur. Pour lui (pour un
vrai chrétien) il y avait un TRUC que je n’avais pas confessé : « je vis avec un homme » (un
homme !) sans que nous soyons mariés (pour le moment).
Nous avons discuté.
Le moine a dit qu’il acceptait de se faire l’officier du Seigneur
m’accordant Son pardon, mais que pour progresser
dans mon chemin de sainteté, il m’engageait, disons, à voir avec cette situation. Ce prêtre a eu besoin de donner une justification au sacrement accordé : le pardon m’était
donné parce que Ptit Lion et moi n’étions pas
catholiques lorsque notre relation a commencé (je pense que ce prêtre a
eu une intuition morale de ce qu'il convenait de faire, ‘pis il a rationalisé ça selon le dogme).
Après m’avoir raccompagnée, le moine a pris prestement la direction inverse du confessionnal. Froissement précipité de sa robe noire, le front un peu soucieux. Je me suis imaginé qu’il partait demander à quelqu’un de sa hiérarchie s’il avait bien fait. C’était un type relativement jeune, mon âge ou quelque chose comme ça.
Après m’avoir raccompagnée, le moine a pris prestement la direction inverse du confessionnal. Froissement précipité de sa robe noire, le front un peu soucieux. Je me suis imaginé qu’il partait demander à quelqu’un de sa hiérarchie s’il avait bien fait. C’était un type relativement jeune, mon âge ou quelque chose comme ça.
Je suis sortie perplexe, confuse. Tiraillée entre deux sentiments
négatifs : culpabilité et méfiance devant ce qui ressemblait à une forme
de contrôle social. Désorientée.
Dieu a-t-il besoin d’institutions et de papiers bien signés,
demandais-je à Edelweiss ? Chacune devant sa voiture dans le parking du
monastère, nous avons longtemps discuté dans le froid et sous le crachin (bénie
soit l’amie, pour sa patience ; n’étais- pas je sa petite croix, cette
après-midi là ?).
Plus ancrée que moi dans la pensée catholique qui a abrité son
enfance, ma copine était à même de m’aider à comprendre la pensée de l’Eglise
sur ce sujet du mariage. Elle a argumenté pour m’inviter à suivre la parole de
ce prêtre, et a conclu en me rappelant que chacun
doit porter sa croix.
Étonnant qu’elle ait convoqué cette notion. Si Ptit Lion et moi étions
la croix l’un de l’autre, si notre engagement d’amour se présentait d’abord
sous cette perspective, il serait sage d’y mettre un terme avant que notre
union n’apporte la vie. Bien sûr, Edelweiss me signifiait plutôt que chaque
voie (célibat, famille) entraîne ses engagements, ses renoncements, et ses
« exigences » choisies librement. Mais cette parole m’a laissée
songeuse.
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