mardi 10 février 2015

Démon des mots des cathos

"Au commencement était le Verbe (la parole de Dieu) est le verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait n'a été fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne L'ont pas arrêtée". Évangile selon St Jean, prologue, 1.

Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets.
Mallarmé, Crise de vers. Citation retrouvée ici.  



Je m'endormais hier soir en écoutant des chansons de Exo (groupe de louange protestant et œcuménique). Ce n'est pas bouleversant musicalement, mais cette pop souriante m'agrée. En tout cas, ils ne lésinent pas sur la batterie - et quelques gouttes de synthé du meilleur effet... Des morceaux  me plaisent particulièrement (A l'agneau surtout, et Je ne veux n'être qu'à Toi. Je ne m'en lasse pas, d'après les stat d'écoute de mon téléphone mobile!).


Et puis, cette musique est ancrée à de bons souvenirs de notre copain Kiwi, quand nous voyagions dans son bo camion. Arrimée, du coup, à ce qu'il nous apprit de la foi (lui qui est obéissant et humble dans sa pratique), à Ptit Lion et moi.

Par ailleurs, certains morceaux d'Exo me font écla...ter de rire.

Dans l'un des concerts, le musiciens s'adresse au public en évoquant "ce Dieu merveilleux". C'est pas faux, mais la formule m'a semblé comique, comique! 

Déjà c'est un pléonasme. Que ce qui est donné par Dieu soit merveilleux semble logique, Sa création est merveille, mais Lui, mais-y-a-t-il des adjectifs pour Le qualifier? Enfin bon, pourquoi pas. Ce mot traduit comme on peut un sentiment débordant, une reconnaissance infinie.

L'été dernier, je demandais à Kiwi pourquoi nous disons que nous "louons" Dieu, que nous Le "glorifions", et ce que pouvait bien signifier "glorifier" le Très Glorieux. 
Quel sens cela a-t-il, comment Dieu ne pourrait-Il pas être indifférent à tout galimatias honorifique, dans Sa plénitude parfaite, dans sa Lumière infinie. Comment pourrions-nous y ajouter une once de gloire? Et de quelle gloire parle-t-on? Je lui demandais de quel genre est la "gloire" des Saints au Ciel, alors même que personne ne doit rechercher sa propre gloire ici - et l'orgueil ne me semble pas un besoin des bienheureux qui contemplent Sa face. 
Louer, remercier, rendre grâce, adorer, voilà des termes que je comprends, cœur et esprit. Quant au "nous Te bénissons", adressé au Seigneur, là encore, son sens est un mystère. Bénir: appeler la protection, la bénédiction... l'alliance de Dieu, l'amour de Dieu sur quelqu'un ou quelque chose. Bénir Dieu himselfNo comprendo. 


Je me souviens parfaitement du contexte de ce dialogue. Je me souviens du temps qu'il faisait, je vois avec précision certains parcelles du paysage qui défilait alors qu'on roulait dans son camion. 
Mais la réponse de Kiwi n'a pas dû me nourrir, car je n'ai aucun souvenir, absolument aucun, de ce qu'il a répondu à mes questions. 

Peut-être était-ce comme d'expliquer la couleur à un aveugle. Évident ou très compliqué. Pourquoi prie-t-on, par exemple? Difficile de l'expliquer! C'est dommage que nous n'ayons pas réussi à nous comprendre, parce que Kiwi est une mine de dévotion, il connait son sujet. Mais il faut presser le gars comme un citron. Il n'a pas peur de montrer sa foi au grand soleil, de s'agenouiller devant le Saint Sacrement, mais pour la parlotte il est assez pudique. Je me souviens d'une conversion avec un séminariste, au cours d'une marche en petit groupe dans la nature. Je pressais le séminariste de questions, le séminariste répondait, répondait. Kiwi restait en arrière, taciturne. Agacé, oui. 


Photo attrapée ici
La fleur est l'absente de tous bouquets, dès que je veux nommer une chose, je dissous par ma parole ce que je nomme. L'usage des mots réduit une réalité indicible, infiniment variée, aux contours de quelques syllabes. Je nomme, je gâche. Mais par ailleurs, notre foi naît dans l'écoute de paroles. Notre compréhension, si brumeuse soit-elle, ne peut que passer par la verbalisation.

Le passage de l’Évangile en prologue nous dit que Jésus Christ était en Dieu, auprès du Père, depuis le commencement du monde, Lui qui portait la Parole, le Verbe. Il est venu nous livrer des mots plus justes, plus proches du Royaume. Je connais par cœur ce chapitre (on dit comme ça?) de St Jean. Son rythme musical et poétique a atteint mon cœur et m'a donné une intuition du... merveilleux, de la grandeur indicible de la création, avant même que je ne commence à le comprendre. 


"Nous sommes soumis, quoique non identifiés, au langage ordinaire. Comme dans la nef des fous, nous sommes embarqués, sans possibilité de survol ni de totalisation". Michel de Certeau, Arts de faire t1., p 26.

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